Entretien JP Sainton-Maryse Condé : Les Pharisiens

Entretien : Les Pharisiens

JPS : Maryse Condé, votre premier texte, Les Pharisiens, en 1962 : dans quel contexte l’avez-vous écrit ?

MC : Le titre, d’abord, me paraît intéressant parce que j’étais une grande lectrice de la Bible. Donc j’avais appris en lisant la Bible qu’il y a une différence entre des gens dont les actes sont… disent quelque chose, et dans la réalité, l’intérieur est très différent. J’étais frappée de voir qu’en Afrique il y avait une société qui disait qu’elle aimait, qu’elle voulait le bien du continent, qui veillait et qui prétendait qu’elle était uniquement intéressée par le progrès et l’avenir des masses africaines, mais qui en réalité ne faisait rien pour faire changer, se modifier le cours de choses. Donc le livre est à la fois une sorte d’étonnement sur ce que j’ai connu après, une sorte d’indifférence des nantis africains à la réalité de leur peuple ; une sorte de … ils acceptaient comme convenu ce qui était en fait affligeant - les séquelles de la domination coloniale - et ne faisaient rien pour la changer. Donc ce livre, Les Pharisiens, un peu naïf, je crois, était le rappel de cette vérité que, pour changer un peuple, il faut faire des efforts et aller au fond de soi-même.

JPS : Un livre de jeunesse, une œuvre de jeunesse mais que vous n’avez jamais voulu éditer ?

MC : Non, elle était, je crois, assez mauvaise, assez naïve, assez enfantine. C’était une sorte de constat de la réalité, peinture de la réalité, sans comprendre les causes profondes, les raisons profondes pour lesquelles la société était devenue ce qu’elle est.

JPS : Merci.

 

Gordes, automne 2016
Entretien réalisé par Jean-Pierre Sainton, en présence de Richard Philcox